Après les emprunts toxiques, un gouvernement toxique

Publié le par Karel Vereycken

Après les emprunts toxiques, un gouvernement toxique

Ils ont osé le faire ! L’article 60 du projet de loi de finances pour 2014, déposé le 25 septembre par le gouvernement (Ayrault, Moscovici, Cazeneuve), prévoit le désarmement juridique unilatéral des collectivités locales face à des banques leur ayant fourgué des emprunts toxiques !

Rappelons que quelque 1500 collectivités locales (villes, communes, hôpitaux, HLM, syndicats intercommunaux, etc.) sont concernées. A l’heure actuelle, 300 d’entre elles contestent devant les tribunaux les conditions des contrats signés avec Dexia, le Crédit agricole, la Société générale, Royal Bank of Scotland ou encore la Deutsche Bank.

Comme Margaret Thatcher, le gouvernement affirme sans doute qu’ « il n’y a pas d’alternative » ! Car privée d’une capacité souveraine de crédit à cause de plusieurs traités européens, la nouvelle institution en charge de se substituer à Dexia dans le financement des collectivités locales, la SFIL, n’a d’autre choix que d’aller chercher de l’argent sur « le marché » (c’est-à-dire auprès des banques privées). Or, ces dernières, avant de lui prêter, exigent que les collectivités locales cessent de contester la légalité de leurs emprunts toxiques.

Au lieu d’acter la faillite de Dexia, d’annuler les dettes résultant de pratiques d’usure, de bannir de France les emprunts structurés et de reconstruire un crédit productif public, le gouvernement s’aligne aujourd’hui sur la même finance folle qu’il dénonçait hier.

Alors que le jugement du Tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre du 8 février 2013 ouvrait la possibilité d’un recours judiciaire contre des pratiques bancaires délictuelles, le projet de loi du gouvernement prévoit de « valider » rétroactivement les contrats de prêt, lorsqu’ils sont contestés pour défaut de mention du taux d’intérêt effectif global (TEG). Or, le TGI avait précisément annulé les taux d’intérêt de trois contrats de prêts toxiques, consentis par Dexia au département de la Seine Saint-Denis, au motif que le TEG – qui doit faire apparaître le vrai coût du crédit – n’avait pas été signifié sur le courriel établissant le contrat.

Un marché de dupes

Il va de soi que pour faire avaler cette couleuvre, le gouvernement propose un « deal » que certains élus ont déjà démasqué comme « un marché de dupes ».

D’un côté, l’article 60 du projet de loi de finances prévoit la création d’un fonds, alimenté pour moitié par l’Etat, pour l’autre moitié par les banques, doté de 100 millions d’euros pour « aider » les victimes à rembourser leurs prêts par anticipation.

De l’autre, comme le note Martine Orange dans Médiapart, « pour avoir droit à ces aides, les collectivités locales doivent au préalable avoir conclu un accord transactionnel avec la banque, portant sur l’ensemble des prêts structurés et toxiques en cause, et renoncer à tous les contentieux » . En bref, le désarmement juridique complet et unilatéral ! En clair, si tu laisses filer le voleur, t’auras droit à l’aumône !

A cela s’ajoute que les collectivités locales doivent faire leur demande avant le 15 mars 2015. Et ce n’est qu’ultérieurement qu’elles sauront si, et à quelles conditions, elles pourront être éligibles au fonds d’aide. Les modalités étant fixées par un décret ultérieur, dont tous ignorent le détail, le ministre des Finances et le ministre des Collectivités locales étant seuls arbitres des choix…

Battons-nous contre l’oppression financière

Les élus, y compris à gauche, découvrent avec stupeur de quel côté se range le gouvernement. C’est aux collectivités locales qu’on demande de maintenir debout une finance ayant perdu la raison ! Stéphane Troussel, le maire socialiste de La Courneuve et successeur de Claude Bartolone à la présidence du conseil général de Seine Saint-Denis, a écrit à Jean-Marc Ayrault pour lui demander si, comme le recommandait la Cour des comptes dans son dernier rapport sur Dexia, le gouvernement avait l’intention de remettre en cause la retraite chapeau de 300 000 euros accordée à Pierre Richard, l’ancien président de Dexia et administrateur du journal Le Monde , qui jusqu’à présent a échappé à toute mise en cause. Matignon tarde à répondre…

Nous vous demandons de vous aider vous-même en empêchant que ce projet de loi soit voté. Son rejet peut faire fissurer la chape de plomb bancaire qui étouffe le pays, y compris son Président. S’ouvrirait alors le débat si nécessaire sur une vraie séparation stricte entre banques commerciales et banques d’affaires, ce nouveau Glass-Steagall Act dont on parle tant aux Etats-Unis, en Suisse, en Belgique et ailleurs… mais pas en France, bien que deux tiers des Français soient pour.

Chez nous, Karine Berger et Pierre Moscovici ont cru enterrer le débat sur les banques ; en nous battant contre l’article 60 de la loi de finances, brandissons l’arme pour le rouvrir !

Publié dans Finance

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